UNE BAGUE EN OR DES ENVIRONS DE NARBONNE
Cette bague en or(l), qui appartient à une collection privée, a été trouvée, vers 1937, sur les bords de l'étang de Bages, dans la commune de Narbonne (2). Haute de cinq millimètres, d'un diamètre extérieur de dix-huit millimètres, elle pèse trois grammes soixante-six. Sur sa face extérieure ornée, dans sa partie supérieure et dans sa partie inférieure, d'un décor tracé au poinçon, on peut lire, en caractères réguliers, l'inscription suivante : IIAIACOYMNIIMII
Une flèche horizontale est gravée sur la partie non inscrite de la face extérieure (3).
L'inscription — qui comporte avec certitude le mot uvtf|ur|, le souvenir (4) — peut être transcrite comme suit :
'Hô(e)îa aoo |ivf|HT] (5)
« Un doux souvenir de toi ».
Cette courte inscription prend place dans la série des textes gravés sur des bagues ou des anneaux, donnés en signe d'affection (6) et portés en souvenir (7). Les inscriptions qui figurent dans cette série assez nombreuse sont en général laconiques et se résument, dans beaucoup de cas, à la mention du souvenir, à un nom, à un terme d'affection ou à un ordre très bref (8). Comme toutes ces bagues, la bague de Narbonne a été portée en souvenir d'un être aimé. Gage d'un amour vivant ou souvenir d'un être disparu ? Il n'est plus possible de le savoir aujourd'hui.
(1) Je tiens à remercier tout particulièrement MM. J. Charra et J.C. Richard pour leur aide bienveillante et les nombreux renseignements que je leur dois et à exprimer ma vive reconnaissance à M. Fr. Chamoux dont les remarques m'ont été précieuses au cours de l'élaboration de cette note.
(2) II paraît des plus utiles de reproduire ici un extrait concernant cette bague, signalée pour la première fois dans le Bull. Com. Archéol. de Narbonne, 20, 1939-1940, p. LIII-LIV, séance du lundi 6 novembre 1939 :
p. LUI
« M. Rouzaud offre à la Commission deux poteries vertes en terre vernissée. Il lui soumet d'autre part une bague en or de l'époque gallo-grecque trouvée, paraît-il, il y a environ deux ans, sur les bords de l'étang de Bages. Cette bague, ornée sur chaque bord d'un grainetis à la pointe, porte, entre deux cœurs unis par une chaîne, les lettres suivantes :
H A I A SOY MNHMH
Les H sont formés par deux barres verticales sans traverse, comme dans les inscriptions latines archaïques, ce qui semble indiquer une origine assez ancienne du bijou. Le sigma est lunaire, c'est-à-dire en forme de C majuscule, forme qui apparaît en épigraphie en 450 avant J.-C. mais qui réapparaît ensuite au IIe siècle de notre ère, à l'époque antonine.
p. LIV
Le sens de l'inscription peut s'interpréter de plusieurs manières dont la plus vraisemblable semble être : ce souvenir à cause de toi. M. Rouzaud se propose d'étudier de plus près cette intéressante bague et sollicite à cet effet les lumières de ses collègues ».
(Le Dr J. Rouzaud était le fils de Henri Rouzaud inventeur et fouilleur de Montlaurès).
(3) C'est du moins ce qu'il m'a semblé voir sur photographies.
(4) II faut noter la graphie II pour H.
(5) La chute du e s'explique par l'iotacisme.
(6) Sur cette série de bagues, voir par ex. F.H. Marshall, Catalogue of the Finger Rings, Greek, Etruscan and Roman in the Departments of Antiquities, British Museum, 1968 [1907], p. XXIX.
(7) Ibid. On notera tout particulièrement l'inscription significative Escipe memoriam, p. 108, n° 647.
(8) Ibid, p. 99, n° 577.
